#10 - Le Bistro(t) parisien: chronique d’une Occupation… rapide!

“Arrêtez-moi ces deux imbéciles! Bande de paresseux et séditieux” s’écria le général de brigade ou “ataman” comme on l’appelait chez les Cosaques. “Igor! Vladislav! trois jours de trou! Je vous apprendrai, moi, à boire pour l’éperon*!”…

C’est ce que nous pourrions imaginer après l’histoire qui va arriver…

Peut-être pure fiction, voici une anecdote aux attraits romanesques pour vous. Il est cependant recommandé de lire en nota bene le doute des historiens sur l’étymologie du mot Bistro…

Les origines du mot Bistro ou Bistrot

Un contexte d’Occupation à Paris?

30 Mars 1814. Après la débâcle de la Grande Armée de Napoléon qui succéda à la Campagne de Russie, la capitale française est encerclée de porte en porte par la cavalerie russe. La bataille avait fait 15 000 morts en moins de vingt-quatre heures. Alexandre 1er entre triomphalement dans Paris. Je vous recommande vivement le livre “1814, Un tsar à Paris” de Marie Pierre Rey.

L’occupation Russe dure le temps d’un Printemps. S’ensuit le traité de Paris qui établira un changement des frontières françaises et apportera un libéralisme dans l’esprit monarchique de l’époque. Alexandre Ier amena dans la capitale un véritable bouleversement et les signes précurseurs de la fin de l’Empire. Le Tsar confiera en parlant de son rival Napoléon: “ Je n’ai qu’un ennemi en France, tous les Français hors de lui sont bien vus de moi”. Napoléon abdique à Fontainebleau 4 jours plus tard et part pour l’Ile d’Elbe en exil. Derrière cette occupation de courte durée, l’Europe se redessine, évolue, mais aussi rallie la France et la Russie dans une progression alliée. 

On distingue dans les jardins publics les chapkas ou chapeaux des Cosaques, cavaliers guerriers et peuple endiablé de l’armée Russe. Quelques promeneurs infortunés sont témoins de nombreuses exactions sur les Champs-Elysées et de la maltraitance vis à vis des parisiennes. Ce sens libertaire, indiscipliné et assoiffé mènera les hommes à faire de petites incartades ou excursions dans des cafés ou tavernes que Paris offrait parfois tristement comme butins de guerre.

La Rotonde au Palais Royal, George Emmanuel Opitz ou Opiz, dessinateur, 1814-1819, Musée Carnavalet, Histoire de Paris.

Vite! Bystro, bystro!

Deux camarades de régiment Cosaque (attention nos deux compères sont nommés par des prénoms de notre invention et l’histoire est pure composition d’après des faits réels) décident de quitter le campement “immonde” installé par leurs frères d’armes dorénavant campés sur les Champs-Elysées, pour s’enfiler quelques godets. Profitant de la trêve ou dirait-on de la torpeur de toute la brigade, voilà qu’Igor et Vladislav d’un air interdit passent leur commande au tavernier. Mais ce dernier a l’air bien amoché par une beuverie improvisée de la veille, pour oublier la funeste nouvelle des vainqueurs aux portes de la ville. Pas très bavard, il réfléchit. “Et bien Messieurs…euh…”

“Bystro, Bystro ! (en russe cela se dit быстро et on le dit souvent deux fois) Vite vite dépêchez-vous” cria Igor. “Peu de temps pour nous!”, insista t-il.

Le tenancier dépassé, s’affole: “François, Marie, vite vite! Servez à ces messieurs la liqueur qu’on a en bas, allez! Mes enfants vont vous servir Messieurs, j’ai du monde en terrasse. Bien le bonjour!”.

Une légende est née, le Bistro remplace le Boui-boui!

Sans le savoir, ce tavernier et ses deux interlocuteurs assoiffés et mutins avaient créé l’esprit de la rapidité au bar et du Bistro parisien! Pour grignoter, boire, ou manger, la nouvelle formule permettra de réunir indissociablement toutes les strates sociales de Paris en des lieux uniques!

Il faut dire que les Cosaques impressionnaient beaucoup les restaurateurs parisiens par leur stature. Mais quand les deux bougres rentrent laborieusement de leur expédition, titubant sous les chênes près de l’Arc de Triomphe, - celui-ci en plein chantier - les voilà qui finissent à terre, le menton égratigné, s’écroulant sur la ligne d’arrivée qui ne fut autre ce jour-là, qu’une limite franchie, celle de l’indiscipline et les prémices de la cour martiale…

L’ataman aussitôt se met à hurler: “A mes gaillards, vous allez voir”…

Nota bene

Mais les experts de la langue ou philologues semblent unanimes dans leur défense de la thèse suivante: « bistrot » est vraisemblablement issu du poitevin « bistraud » (« petit domestique »), de l’argot « bistingo » (« cabaret »), ou de « bistouille » (synonyme de « mauvais alcool » ou, dans le Nord de la France, de café dans lequel on rajoute de l’alcool). Il n’y aurait très probablement pas d’histoire russe là-dedans, une variété d’incertitudes étymologiques et de légende qui nous évoque cependant la profusion de menus, plats, apéritifs, boissons, et savoir-vivre que véhiculent les enseignes d’une restauration rapide parisienne! Et si c’était un mélange?

*Boire pour l’éperon, en russe “выпить за шпору” (ou bien vypit’ za shporu) signifie boire de manière informelle avec d’autres personnes en langage militaire, sauf que dans le contexte cosaque, c’était une occasion d’y aller gaiement sur la boisson! En France, on dirait volontiers “s’en jeter un derrière la cravate”. Excusez du peu! Allez, Santé! Na zdorovié…

Précédent
Précédent

#11 - Le Futur Premier Ministre : Quand le Pouvoir rencontre l’Héroisme?

Suivant
Suivant

#9 - Voyage en terres de sourires : L’Âme Véritable à Orry la Ville